L'interview de Cédric, le fondateur de So French

L'interview de Cédric, le fondateur de So French

La semaine dernière, nous sommes allés à la rencontre de Cédric Badel, le fondateur de So French : un café-épicerie spécialisé dans les produits français.

SO FRENCH Café + Épicerie

Café

Épicerie

Qui se cache derrière So French ?

(Cédric Badel) « J'ai 49 ans, je suis originaire de Lyon et j'ai une formation d'architecte d'intérieur.

So French c'est un peu ma 3ème vie : jeune (23 ans) et de nature très timide, j'étais très à l'aise derrière ma planche à dessin, mais je perdais toute crédibilité dès que je me retrouvais sur un chantier face à des clients... Un de mes premiers challenges a donc été de prendre un poste de vendeur dans un magasin de chaussures le samedi.

Et j'ai adoré ! La société, l'ambiance de travail, les produits, etc. - en l'espace de 6 mois je suis passé de vendeur à co-directeur, puis directeur de la boutique. On m'a ensuite demandé de m'occuper de 30 boutiques, puis 70, et enfin du réseau international. Au final, j'ai passé 25 belles années dans cette entreprise familiale.

Quand l'entreprise a été rachetée par un gros groupe, je savais qu'il était temps pour moi de passer à autre chose. Sans parler de « crise de la cinquantaine », j'arrivais à un moment dans ma vie où il me fallait un nouveau challenge, un nouveau projet et j'avais toujours eu l'envie de développer mon propre business, de donner de mon temps et de mon énergie pour un projet personnel.

Et quand j'ai quelque chose en tête... je donne tout pour le réaliser ! »

So French, c'est quoi ?

(Cédric) « So French c'est un café-épicerie spécialisé dans les produits français.

L'idée de l'épicerie française a germé assez rapidement dans ma tête, la communauté française est très présente à Londres et je trouvais que l'offre en produits français était elle très restreinte.

Le café que nous proposons est notre propre blend (mélange) : nous l'avons créé à la roasterie (atelier de torréfaction) où travaillait Thiago, mon associé, à notre rencontre dans la campagne anglaise - à Guildford, dans le Surrey.

Thiago est brésilien mais a toujours été un grand amoureux de la France et de ses spécialités culinaires. C'est le spécialiste café, il comprend très bien le français mais est encore un peu timide pour le parler - de la même façon que je le suis pour parler anglais. »

Pourquoi Londres ?

(Cédric) « À l'époque où je travaillais à Paris, j'adorais venir à Londres pour sa culture et le sens civique de ses habitants ; le fait de rouler à gauche, d'utiliser une autre monnaie, de parler une autre langue, de pouvoir être plus extravagant sans jugement... je me sentais libre !

Pour être tout à fait honnête, j'ai hésité entre la Californie (États-Unis) et Londres, mais pour des raisons pratiques (proximité avec ma famille et mes amis) mon choix s'est tourné vers la capitale anglaise.

Un nouveau départ, une nouvelle ville, un nouveau pays, une nouvelle langue, une nouvelle culture : le début de « la deuxième moitié de ma vie ».

J'ai dans un premier temps jonglé entre la France et l'Angleterre, avant d'arrêter totalement mon activité à Paris.

Je me suis d'abord installé dans la campagne anglaise, pour me ressourcer et réfléchir à mon projet. Avant de définir ce que je voulais vraiment faire, j'ai établi la liste de ce que je ne voulais plus faire : fini le monde de la mode et les journées derrière mon ordinateur.

Je suis aussi retourné à l'école pour réapprendre les bases de la langue anglaise.

À mon arrivée à Londres, mon business plan sous le bras, je voulais trouver un petit local sympa, le décorer selon mes envies, y diffuser la musique que j'aime et y proposer mes produits préférés. Je voulais que mes clients se sentent comme à la maison.

Quand j'ai découvert le quartier de Marylebone, c'était comme une évidence : je voulais construire une vraie communauté, dans un coin calme, typique du vieux Londres (conservation area), avec un petit côté « village », loin du tumulte des grandes avenues. Un petit cocon feel good où se retrouveraient nos habitués le matin, le midi et l'après-midi.

Et nous restons malgré tout à 2 pas d'Oxford Street et de Hyde Park !

De mon côté, j'ai également choisi de m'installer dans ce quartier ; le café est un peu comme ma deuxième maison. »

Pourquoi un café-épicerie ?

(Cédric) « La communauté de l'épicerie fine est un petit monde qui me rappelle celui dans lequel j'ai évolué pendant mes premières années dans la mode. Le côté petits artisans et producteurs (même pour des noms mondialement connus) et maisons familiales où tout le monde travaille sur un peu tout, c'est cette ambiance qui me plaît.

Pour me démarquer des épiceries classiques (fromage et charcuterie à la coupe), je voulais du bon - mais aussi du beau ! Créer une belle épicerie fine comme j'avais l'habitude d'en voir à Paris.

La plupart des produits que nous proposons sont des produits que j'ai moi-même l'habitude de consommer, mon café-épicerie me ressemble à 400% ! »

Travailles-tu en collaboration avec d'autres entreprises françaises à Londres ?

(Cédric) « Pour la partie café, nos sandwichs sont faits maison, chaque jour, dans la cuisine de So French.

Pour les viennoiseries, les pâtisseries, le pain et les quiches, nous travaillons avec un boulanger-pâtissier français de Londres, qui utilise des produits de qualité (beurre AOP, farine française, etc.) - qui font toute la différence !

Les viennoiseries sont cuites au café, pour que nos clients puissent profiter de la douce odeur des croissants au beurre chauds du matin...

Pour la partie épicerie, nous travaillons en direct avec différents fournisseurs français. Beaucoup sont des marques que j'affectionne personnellement. La plupart travaille avec des produits de saison, organiques et sans pesticide.

Quels produits proposez-vous ?

Nous avons de nombreuses spécialités typiques et authentiques des régions françaises, comme par exemple :

  • le canelé de Bordeaux ;
  • la nonnette de Dijon (des petits gâteaux à base de pain d'épices, de marmelade d'orange et de miel) ;
  • la praline rose de Lyon ;
  • la bêtise de Cambrai ;
  • le berlingot de Nantes ;
  • le biscuit rose de Reims ;
  • le sablé de Sablé-sur-Sarthe ;
  • les bonbons à la violette de Toulouse ;
  • le foie gras et les terrines du sud-ouest ;
  • la moutarde de Dijon ;
  • la moutarde de Meaux (Pommery) ;
  • etc.

L'idée est d'essayer de nouveaux produits régulièrement et de prendre en compte les avis et demandes de nos clients, pour affiner au mieux notre sélection. »

Comment as-tu trouvé tes premiers clients ?

(Cédric) « Il y a une grosse communauté française dans le quartier et, pendant le confinement, c'était un peu comme si la France venait à nous ! De plus, les gens favorisaient les commerces de proximité aux grandes surfaces, pour éviter la foule.

Nous avons aussi des clients anglais qui adorent les produits français ou sont juste curieux de faire de nouvelles découvertes gustatives. La communauté asiatique raffole elle de notre vrai chocolat chaud au chocolat Valrhona.

Avec la réouverture des écoles notre clientèle s'est aussi étendue aux étudiants de l'établissement d'à côté.

Nous sommes agréablement surpris par le lancement, et quand les bureaux vont rouvrir la dynamique va encore changer ! »

Une anecdote à partager ?

(Cédric) « Notre ouverture étant initialement prévue pour septembre 2020, j'avais commandé un joli stock de foie gras pour Noël... sauf que nous n'avons finalement ouvert nos portes qu'en février ! Que faire de tout ce foie gras ? Ce n'était semble-t-il pas un problème pour nos clients : une bonne baguette et un bloc de foie gras pour aller pique-niquer dans Hyde Park, what else?

De plus, il se chuchote que le foie gras pourrait être interdit dans les prochains mois en raison du Brexit... du coup mes clients font du stock ! Ahah »

La crise sanitaire liée à la Covid-19 et le Brexit ont-ils eu un impact sur ton activité ?

(Cédric) « Effectivement, la pandémie liée à la Covid-19 a pas mal ralenti notre installation. Il était par exemple bien plus compliqué d'organiser des visites de locaux.

Mais le lockdown (confinement) a aussi eu du bon ! Les gens consomment moins et mieux, ils sont à la recherche d'une relation privilégiée avec leurs commerçants, et c'est exactement ce que nous voulons leur offrir.

Depuis le Brexit, le délai de livraison est plus long et il y de nouveaux documents à remplir. C'est un problème autant pour moi que pour mes fournisseurs, mais il faut juste le temps que tout le monde s'habitue aux nouvelles règles. »

Tes projets futurs pour So French ?

(Cédric) « À partir de lundi prochain (17 mai), nous pourrons commencer à accueillir nos clients à l'intérieur, puis la rue deviendra piétonne pendant les 2 mois d'été : nous allons pouvoir étendre la terrasse et proposer de bonnes glaces françaises !

Je réfléchis aussi à obtenir la licence pour vendre de l'alcool car nos clients nous réclament du vin pour accompagner nos plats chauds (cassoulet, gratin dauphinois, etc.) et planches de charcuterie et fromage. »

Un conseil à donner à un entrepreneur en devenir ?

(Cédric) « J'ai participé à mon premier salon en septembre 2018, il m'aura fallu 2 ans pour en arriver là.

On m'a souvent dit : « Soit vous êtes inconscient, soit vous êtes obstiné ! ».

En effet, avec la recherche du local, la frontière de la langue, la paperasse, les avocats, les notaires, les entretiens, la pandémie, le Brexit, etc. j'ai été confronté à de nombreuses barrières, mais je ne me suis jamais posé de question. Ce projet, c'est toutes les économies de ma première moitié de vie, c'est un peu « TAPIS ».

Soyez inconscient, soyez obstiné, mais surtout : n'ayez aucun regret. »